Avant de baisser les yeux
Le Consulat Voltaire • Paris
04.03 → 20.03 2022
WITH
Lucile Boiron
SET DESIGN
Clara Vidal
FRENCH VERSION
BELOW ↓
Before raising our eyes, we are required to undo our visual education: a tradition of naked, seductive, weary, offered female bodies. For a long time, the photographer has worked entirely in the representation of a female body made synonymous with desire, and that adheres to adjectives such as plumpy, smooth, sensual. In her relationship to the body, the photographer Lucile Boiron embraces another theory, that of the "female gaze". This “gaze” proposes to expand the vocabulary of imagery associated with women's bodies, extracting itself from the stereotypes imposed by the heritage of the masculine gaze.
Before looking down, afflicted by contrary emotions of embarrassment and attraction, we will apprehend the sometimes difficult exercise of maintaining our gaze on a bloodstain, an operating table, a gut. Occulted body states, frozen in a desired flesh by postures or situations of displeasure. Inert envelopes and living substances. Sometimes milky bodies, sometimes bloody. The faceless flesh of Lucile Boiron is both divine and ungrateful: the body is decomposed into as many body parcels as objects of fascination, associated in the images of flower or animal metaphors.
Before looking down, we must put ourselves inside their skin. To live with the undulations of the flesh, their biological experiences, the imprints of the years. To go beyond the luminous, saturated, satiny colors which seduce the first glance, betraying the second, which discovers the raw reality of impure bodies.
Some bodies would like to adapt to standardized anatomy, to be molded in a beautiful plastic by a process of dissection. Some, like the writer Annie Ernaux, say that they wished "to escape a humiliating and unimportant body". Some, like the philosopher Michel Foucault, will say that they wished to build utopias of bodies in other bodies, which can be animated and lived in new spaces named "heterotopias". With great fragility, Lucile Boiron exposes these precious bodies under pressure.
Anne Bourrassé
Translated by Catalina Peña
Avant de lever les yeux, il faudra défaire son éducation visuelle. L’habitude de corps nus féminins séduisants, las, offerts. Car longtemps, encore souvent, le photographe œuvre entier à la représentation d’un corps féminin synonyme de désir. Une représentation qui colle à l’usage des adjectifs pulpeux, lisse, sensuel. Dans son rapport au corps, la photographe Lucile Boiron embrasse une autre théorie, celle du “female gaze”. Ce “regard féminin” qui propose d’élargir le vocabulaire de l’imagerie associée aux corps des femmes afin de s’extraire des stéréotypes imposés par l’héritage de l'œil masculin.
Avant de baisser les yeux, troublé.e.s par des émotions contraires de gêne et d’attirance, il faudra appréhender l’exercice parfois difficile de maintenir le regard sur une tâche de sang, une table d’opération, un boyau. Des états corporels occultés, figés dans des chairs de désirs par des postures ou des situations de déplaisir. Enveloppes inertes et substances vivantes. Corps tantôt laiteux, tantôt sanguins. Les chairs sans visages de Lucile Boiron sont toutes à la fois divines et ingrates. Décomposées en autant de parcelles de corps que d’objets de fascination, associées dans les images à des métaphores florales ou animales.
Avant de baisser les yeux, il faudra se mettre dans leur peau. Vivre avec les ondulations de la chair, les expériences biologiques, les empreintes des années. Dépasser les couleurs lumineuses, saturées, satinées qui séduisent le premier regard, trahissant le second qui découvre la réalité crue de corps impudiques.
Certains corps voudraient s’adapter à une anatomie standardisée, se mouler dans une belle plastique par un processus de dissection. Certaines, comme l’écrivaine Annie Ernaux, diront qu’elles souhaitaient “échapper à un corps humiliant et sans importance”. Certains, comme le philosophe Michel Foucault, diront qu’elles souhaitaient construire des utopies de corps dans d’autres corps, qui puissent s’animer et se vivre dans de nouveaux espaces nommés des “hétérotopies”. Avec une grande fragilité, Lucile Boiron expose ces corps précieux sous pression.
Avant de baisser les yeux
Le Consulat Voltaire • Paris
04.03 → 20.03 2022
WITH
Lucile Boiron
SET DESIGN
Clara Vidal
FRENCH VERSION
BELOW ↓
Before raising our eyes, we are required to undo our visual education: a tradition of naked, seductive, weary, offered female bodies. For a long time, the photographer has worked entirely in the representation of a female body made synonymous with desire, and that adheres to adjectives such as plumpy, smooth, sensual. In her relationship to the body, the photographer Lucile Boiron embraces another theory, that of the "female gaze". This “gaze” proposes to expand the vocabulary of imagery associated with women's bodies, extracting itself from the stereotypes imposed by the heritage of the masculine gaze.
Before looking down, afflicted by contrary emotions of embarrassment and attraction, we will apprehend the sometimes difficult exercise of maintaining our gaze on a bloodstain, an operating table, a gut. Occulted body states, frozen in a desired flesh by postures or situations of displeasure. Inert envelopes and living substances. Sometimes milky bodies, sometimes bloody. The faceless flesh of Lucile Boiron is both divine and ungrateful: the body is decomposed into as many body parcels as objects of fascination, associated in the images of flower or animal metaphors.
Before looking down, we must put ourselves inside their skin. To live with the undulations of the flesh, their biological experiences, the imprints of the years. To go beyond the luminous, saturated, satiny colors which seduce the first glance, betraying the second, which discovers the raw reality of impure bodies.
Some bodies would like to adapt to standardized anatomy, to be molded in a beautiful plastic by a process of dissection. Some, like the writer Annie Ernaux, say that they wished "to escape a humiliating and unimportant body". Some, like the philosopher Michel Foucault, will say that they wished to build utopias of bodies in other bodies, which can be animated and lived in new spaces named "heterotopias". With great fragility, Lucile Boiron exposes these precious bodies under pressure.
Anne Bourrassé
Translated by Catalina Peña
Avant de lever les yeux, il faudra défaire son éducation visuelle. L’habitude de corps nus féminins séduisants, las, offerts. Car longtemps, encore souvent, le photographe œuvre entier à la représentation d’un corps féminin synonyme de désir. Une représentation qui colle à l’usage des adjectifs pulpeux, lisse, sensuel. Dans son rapport au corps, la photographe Lucile Boiron embrasse une autre théorie, celle du “female gaze”. Ce “regard féminin” qui propose d’élargir le vocabulaire de l’imagerie associée aux corps des femmes afin de s’extraire des stéréotypes imposés par l’héritage de l'œil masculin.
Avant de baisser les yeux, troublé.e.s par des émotions contraires de gêne et d’attirance, il faudra appréhender l’exercice parfois difficile de maintenir le regard sur une tâche de sang, une table d’opération, un boyau. Des états corporels occultés, figés dans des chairs de désirs par des postures ou des situations de déplaisir. Enveloppes inertes et substances vivantes. Corps tantôt laiteux, tantôt sanguins. Les chairs sans visages de Lucile Boiron sont toutes à la fois divines et ingrates. Décomposées en autant de parcelles de corps que d’objets de fascination, associées dans les images à des métaphores florales ou animales.
Avant de baisser les yeux, il faudra se mettre dans leur peau. Vivre avec les ondulations de la chair, les expériences biologiques, les empreintes des années. Dépasser les couleurs lumineuses, saturées, satinées qui séduisent le premier regard, trahissant le second qui découvre la réalité crue de corps impudiques.
Certains corps voudraient s’adapter à une anatomie standardisée, se mouler dans une belle plastique par un processus de dissection. Certaines, comme l’écrivaine Annie Ernaux, diront qu’elles souhaitaient “échapper à un corps humiliant et sans importance”. Certains, comme le philosophe Michel Foucault, diront qu’elles souhaitaient construire des utopies de corps dans d’autres corps, qui puissent s’animer et se vivre dans de nouveaux espaces nommés des “hétérotopies”. Avec une grande fragilité, Lucile Boiron expose ces corps précieux sous pression.